En termes de lecture, il est des coups de cœur inattendus qui nous tombent dessus sans crier gare. Et puis il y a ceux qu’on avait pressentis, ceux dont une certitude inébranlable nous a assailli à peine la couverture croisée.
Tant que vole la poussière par Cameron Valciano fait partie de ceux-là. J’ai su. Je ne sais pas pourquoi, mais dès que j’ai fait entrer ce texte dans le circuit de lecture de Magic Mirror, j’ai su qu’il allait me bouleverser. Le titre peut-être ? Une intuition ? Je ne saurais dire.
Toujours est-il que quand Bangarang Daily m’a envoyé un message qui en substance criait « Laisse tomber tout le reste et lis ce manuscrit, genre maintenant ! », je me suis dit un petit « Je le savais ! ». Et je n’ai pas été déçue. Ce roman, dans son état de tapuscrit m’a emportée. Alors que Peter Pan n’a jamais été mon univers préféré et que je n’avais alors jamais lu le roman de Barrie.

L’auteure nous embarque deux décennies après la fin des aventures de Wendy et Peter, telles que les a laissés Barrie. Les enfants sont rentrés chez eux, Crochet est supposé mort avalé par le crocodile et Peter, a demi amnésique, continue de visiter son amie d’autrefois alors qu’elle continue de grandir et qu’elle est devenue mère.
Nous sommes face à une Wendy tourmentée, accro à l’opium, qui ne se remet pas de la disparition de sa fille Jane. Elle est persuadée qu’elle se trouve au Pays de Nulle Part aux côtés du Garçon Éternel, mais nul ne la croit et elle finit par se retrouver internée en hôpital psychiatrique.
Au détour d’un hasard, elle va croiser la route de son plus ancien ennemi, le terrible Capitaine Crochet qui la fascinait autant qu’il l’effrayait quand elle était enfant. Le pirate déchu se trouve coincé dans le monde réel depuis plus de vingt ans, sans autre perspective que celle de croupir dans un sordide freak show en attendant une opportunité de revanche. Et Wendy va la lui offrir sur un plateau. La jeune-femme et l’anti-héros vont s’associer pour retourner ensemble au Pays Imaginaire. Elle pour ramener sa fille, lui pour tuer Peter Pan.
L’arrivée sur l’île sera mouvementée, riche en surprises, en déconvenues et en merveilles. L’aventure sera plus grandiose que nos deux héros l’avaient imaginé et leur duo-duel sera aussi savoureux qu’addictif pour les lecteurs !
Le décor étant posé, comment vous parler de ce roman avec justesse ? Comme souvent quand j’aime viscéralement un livre, les mots m’échappent.
C’est un texte qui emporte, qu’on a du mal à lâcher. Dès les premières pages les personnages éclatent de vérité tant et si bien qu’on croirait les connaître. On croirait entendre la voix de conteuse de Wendy, on imagine le toucher froid du crochet. L’écriture des personnages est brillante et contribue à mon attachement pour cette histoire. Ils sont cohérents avec eux-mêmes du début à la fin et leur trajectoire est sublime.
Souvenez-vous dans mon article autour du Peter Pan de Barrie, je vous parlais du narrateur et du génie qu’il recelait. Et bien Cameron Valciano parvient à convoquer à nouveau ce narrateur-personnage si savoureux et s’amuse des possibilités qu’il offre. Délectable hommage à l’œuvre originelle … Que l’on pourra apprécier même sans avoir lu ladite œuvre ;).

C’est aussi ce que j’ai beaucoup aimé en lisant Tant que vole la poussière : à la première lecture, je n’avais pas lu le Peter de Barrie, je n’avais pour bagage que de vieux souvenirs du Disney. Je n’ai pas été perdue pour autant, j’ai pu suivre l’histoire et m’en délecter à sa juste valeur en ayant l’intuition qu’elle cachait un trésor plus subtil encore. Avant d’attaquer le travail éditorial, j’ai lu le roman de Barrie et j’ai alors pu apprécier le génie de Cameron Valciano dans tout son art. Les références, les clins d’œil, l’érudition de l’auteure, l’intelligence de la revisite se révèlent être au service du roman et loin de donner un côté pompeux à l’histoire, ils la subliment.
Loin du Peter solaire de Disney, Cameron parvient à retranscrire le côté un peu effrayant et bien plus sombre du roman de Barrie, sans jamais rien enlever aux merveilles qui jonchent le récit. Les fées malicieuses, les sirènes farouches, les Indiens, les Pirates, les Enfants Perdus … Tous se croisent et s’entremêlent dans ce roman qui s’érige comme un digne successeur de l’histoire imaginée par Barrie.
J’aime profondément ce titre. Après avoir travailler des mois dessus j’aurais du mal à l’analyser dans toutes ses dimensions et j’ai l’impression de vous répéter « Il est géniaaaal » tout au long de cet article. J’aurais aimé lui rendre plus justice et je ne promets pas que je ne reviendrais pas dessus d’ici quelques mois quand le travail éditorial se sera un peu décanté dans mon esprit.