La saga de Sarah J Maas autour de Keleana ne m’a jamais attirée, en dépit du bien que l’on m’en disait. Le résumé, la couverture et le titre m’ont toujours parus bateau, clichés. Assez pour ne pas me donner envie de m’y plonger. Et puis je suis tombée dans la seconde série de l’auteure, ACOTAR.
Vous savez à quel point j’ai aimé ces romans en dépit de leurs défauts. Faute de tome cinq à me mettre sous la dent avant un moment, petit à petit l’idée à germé en moi. Et si je prenais le temps de découvrir l’univers de Keleana ? Après tout, si l’auteure a su m’emporter avec l’histoire de Feyre, il n’y a pas de raison que ces livres là soient moins intéressants. Mal m’en a pris …

Le premier tome de cette série, s’intitule donc en français Keleana, La Prisonnière. On y suit les « aventures » (si on peut appeler ça « aventures ») de Keleana, une jeune-fille tirée du camp de travaux forcés dans lequel elle se trouve par le prince du coin Dorian et le capitaine de la garde, Chaol. On lui explique que le roi va organiser un grand tournoi pour recruter un homme de main, et Dorian souhaite faire d’elle son champion parce que en tant qu’assassineuse, elle est censée être redoutable. Si jamais elle remporte le tournoi, elle sera au service du roi pendant quatre années puis sera libérée.
Keleana accepte rapidement, se retrouve cloîtrée au palais et participe avec docilité aux différentes épreuves éliminatoires. Bien vite des candidats sont assassinés sauvagement et il faudra une éternité, la possible trahison de sa seule amie, l’appel d’un fantôme, la perspective d’être tuée elle aussi et un alignement des planètes pour que Keleana s’intéresse enfin à ces meurtres.
Ne passons pas par quatre chemins : c’est un texte qui a sonné creux pour moi. Il ne s’y passe pas grand chose, on s’ennuie très vite. Les scènes s’enchainent et se répètent à l’infini : les épreuves, les entrainements, les repas avec Chaol, les discussions de couloirs avec Dorian … On tourne en rond dans ce château sans même ressentir le frisson du huis clos, seulement une sensation pesante d’horizon inexistant.
Quand ACOTAR proposait des personnages tous plus attachants les uns que les autres, Keleana peine à nous émouvoir. Les protagonistes sont transparents quand l’héroïne est agaçante au possible. Comment ressentir de l’empathie pour un personnage aussi mou, autant en désaccord avec ce que l’on nous dit d’elle ? Elle est présentée comme LA menace du royaume, une tueuse sanguinaire, hors pair, capable de prouesses … Tant et si bien qu’elle est censée rester dans sa chambre sous la surveillance des gardes quand elle ne s’entraine pas pour les épreuves. Tout le monde a peur d’elle … Mais pourquoi ?

Pas une seule fois elle ne fait montre de ses talents, pas une seule fois son comportement justifie tout le bruit que le narrateur génère autour d’elle. Elle est docile, elle se plie à ce qu’on lui demande sans se poser de questions. A un moment donné elle trouve un passage dissimulé derrière une tapisserie de sa chambre qui mène directement à l’extérieur et … elle retourne se coucher. Elle ne tente pas de s’échapper et nous on s’arrache les cheveux en se demandant pourquoi personne n’a inspecté cette fichue chambre avant de l’y mettre et surtout quel est l’intérêt narratif de nous parler de ce passage si c’est pour qu’elle ne l’emprunte jamais … Keleana restera jusqu’au bout dans un entre deux, elle ne veut pas être là mais ne fait strictement rien d’autre que ce qu’on lui demande. Le personnage aurait été tellement plus intéressant si elle avait été plus rebelle ou si au contraire elle avait pris goût au tournoi ! Et les autres personnages sont juste incohérents quand il s’agit d’elle : elle est surveillée comme du lait sur le feu, tout le monde est terrifié par elle (même si on se demande pourquoi), en revanche l’unique fois où elle décide de désobéir aux ordre pour se rendre à un bal (oui, oui …) la servante qui fait son lit lui promet de ne rien dire à personne. Vraiment ? Cela brise l’image de tueuse ténébreuse que l’auteure peine à nous imposer …
Le principe même du roman repose sur un point bancal : pourquoi ce tournoi ? Tous les « candidats » sont des repris de justice, des êtres peu recommandables … Pourquoi le roi voudrait avoir à son service un criminel douteux ? Pourquoi ne pas recruter quelqu’un de confiance tout simplement ? Et pourquoi nous dire que le tournoi a pour but de distraire le roi … si celui-ci s’en va dès le début pour ne ressortir de derrière les fagots qu’à la dernière épreuve ? On nous met face à des choix narratifs qui n’ont ni queue ni tête, comme si ce n’était que du remplissage pour tenter de masquer la vacuité de l’histoire.

La plupart des personnages semblent à côté de la plaque et aucun n’a de réaction logique ou compréhensible. Je pense encore à cette scène où Nehemia (une princesse d’un lopin annexé par le royaume qui se trouve au palais et se lie d’amitié avec Keleana) trouve l’héroïne à moitié morte dans sa chambre, attaquée par une bête et lui demande ce qu’il s’est passé. Keleana lui répond qu’elle est au château sous une fausse identité (quel rapport ?) et Nehemia passe en mode gossip « Ok, raconte moi ta vie je veux tout savoir ». ET LA BÊTE QUI RODE DANS LES COULOIRS ? Tout le monde se fout des choses importantes … (et est-ce qu’il faut parler du capitaine de la garde royale qui n’a jamais vu quelqu’un mourir ou se faire tuer ? et de Keleana a qui il arrive des choses importantes de type apparition fantomatique, potentielle découverte d’un complot et j’en passe et qui décide de n’en parler à personne sans raison valable mais qui n’hésite par a flirter sans vergogne avec les deux mâles du roman …)

Sans surprise, à la fin, on apprend dans un blougi blouga de clichés urticants que c’était le gros méchant pas beau de service qui butait les autres candidats. Dans quel but ? Qui tirait les ficelles ? Le roi était-il au courant ? Mystère et boule de gomme.
En fait, c’est l’histoire de Nehemia qu’on aurait aimé lire : elle avait l’air plus intéressante …
De grosses zones d’ombre et des incohérences à n’en plus finir oui, mais aucune surprise, rien, une platitude totale. On sent vaguement un contexte politique qui aurait pu être intéressant mais qui est sous-développé et absolument pas exploité. Et qu’on ne me dise pas que tout s’éclaire dans les tomes suivants : même au sein d’une série un roman a besoin de se tenir pour lui-même.
Bon, voilà grosso-modo mon ressenti suite à cette lecture fort peu enjaillante. Ceci dit je sais qu’elle souffre de gros défauts de traduction. Tatiana du blog Idées à lire a fait un travail de dingue et a comparé la VO et la traduction pour débusquer toutes les erreurs et c’est juste impensable : passages disparus, paragraphes ajoutés, erreurs de traduction … Cela peut expliquer en partie les failles de ce roman en français.
Malgré tout, je ne peux m’empêcher de penser qu’il s’agit, même dans sa version originale, d’un roman assez peu intéressant et je suis certaine de ne pas avoir envie de découvrir la version corrigée que La Martinière s’apprête à sortir ^^’.