L’éditeur, ce grand méchant loup | Les tribulations d’une éditrice en herbe #2

On ne va pas se le cacher, quand on se lance dans une aventure qui implique une relation avec le public (comme une maison d’édition, exemple donné au hasard :p), on s’intéresse tout de suite un peu plus à ce que les gens disent de nous sur les réseaux sociaux. C’est peut-être symptomatique d’un rapport un peu trop viscéral à l’image renvoyée , cela reste néanmoins un bon moyen d’évaluer rapidement ce que l’on véhicule.

Quand Magic Mirror est né, beaucoup de mes amis auteurs ont colporté la nouvelle par monts et par vaux, ou plutôt par Facebook et par twitter. J’ai pu alors lire (discrètement) quelques réactions suspicieuses, des « Mais est-ce que ce sont de bons éditeurs ? » et autres « Tu crois qu’on peut leur faire confiance ? ». Aux primes abords décontenancée par cette vague de méfiance, j’ai vite compris qu’être éditeur vous rend systématiquement suspect aux yeux des aspirants auteurs (ou du moins ceux qui s’expriment sur internet). Et pour cause, j’ai lu de nombreux témoignages consternants d’écrivains désabusés : contrats abusifs, communication impossible, retards ou absence de paiement, promotion inexistante, texte modifié sans l’accord de son créateur …

Nous nous sommes servis de tout cela pour bâtir l’éthique de Magic Mirror, en essayant d’être le plus juste envers nos auteurs dans la mesure de nos moyens actuels. Ayant compris les craintes des écrivains, j’ai fini par les accepter. Sans me départir d’une lubie : leur prouver que l’on peut éditer autrement, dans le respect de tous.

Et aujourd’hui, je suis tombée sur un document qui m’a mise hors de moi (pendant au moins dix minutes). Le texte illustré s’intitule sobrement (ahem) « Le contrat dont vous êtes le héros, ou comment négocier, seul dans la forêt, Sans titreavec un dragon éditeur ». Le but de cette brochure est des plus nobles : aider les écrivains à négocier leurs contrats et à s’affirmer face à leur éditeur. Dans le fond, c’est utile et bienvenu. Cependant la forme, le ton employé et les comparaisons sont, à mon goût, fort malvenus.

« Vous avez traversé des forêts sombres et dangereuses, et à ce prix, êtes parvenu à amasser un trésor inestimable. Il ne reste plus qu’un pont à traverser et vous êtes arrivé dans le château où vous attendent la gloire et la promesse de vivre heureux et d’avoir beaucoup d’enfants. Sauf que juste devant le pont, un dragon vous barre la route : «Donne-moi ton trésor, sinon tu ne passes pas.» » Euh oui mais non. Laissez-moi douter, chers concepteurs de cette … chose du bienfondé de la métaphore. Est-il vraiment juste de comparer un éditeur à un obstacle qui barre la route de l’auteur et qui l’empêche d’atteindre gloire et félicité à moins que ce dernier ne lui donne son trésor ? Certains peuvent être des dragons, j’en conviens, mais d’autres ne le sont certainement pas. Je ne suis pas allée mettre le nez chez nos confrères, je parlerai donc de ce que je connais : Magic Mirror. Nous envisageons l’édition d’un livre avant tout comme une collaboration entre nous et l’écrivain. Il y a certes un intérêt marchand dans la démarche, mais si l’on veut explorer ces questions financières : nous avons établi nos premiers contrats en proposant aux auteurs les pourcentages les plus hauts possibles, afin que nous puissions payer les frais d’impression et d’illustration, les taxes diverses et que nous ayons un peu d’avance pour la prochaine parution. Et non pas pour nous tirer un salaire, cette rétribution taboue à laquelle nous avons renoncé de bonne grâce pour notre première année d’existence afin d’assurer une certaine pérennité à notre maison et rémunérer correctement nos auteurs.

« Au lieu d’attendre, tel l’oisillon dans son nid, qu’on vous donne la becquée, ! L’éditeur a besoin de votre savoir-faire, de votre travail. Il ne vous fait pas une fleur en vous éditant, parce que vous avez de beaux yeux ou que vous sentez bon. » Alors oui, effectivement. L’éditeur a besoin de l’auteur s’il veut avoir une raison de vivre travailler. Mais on oublie facilement que les auteurs ont également besoin des éditeurs, on en revient à cette collaboration dont je vous parlais. L’écrivain fournit la partie essentielle du travail : il écrit le livre. Soit. Mais ne négligeons pas le savoir-faire de l’éditeur : il lit des dizaines et des dizaines de manuscrits pour trouver la perle rare (il fait donc un travail fastidieux de sélection où il met à contribution ses bagages en matière littéraire, sa connaissance du marché, ses sentiments et son intuition pour dénicher LE récit qui sera passionnant …), il corrige le manuscrit une fois sélectionné (et je parle à la fois de corrections orthographiques et de remaniement de l’intrigue), il le met en page (que celui qui n’a pas eu de mal à dompter InDesign me jette la première pierre), il en fait la promotion, parfois en assure la vente (coucou c’est nous) et, même si cela semble être un gros mot, il engage des frais d’impression (et d’illustration, et des taxes …). Il finance entièrement[1] la publication de l’ouvrage en pariant sur la valeur du texte , en plus de tout le travail éditorial invisible mais aussi chronophage que l’écriture même du roman. L’éditeur, c’est un peu comme un maïeuticien, qui s’occupe de mettre au monde un objet-livre et qui doit faire en sorte que tout se passe au mieux pour le géniteur, qu’il ait le moins de souci possible. C’est du moins ainsi que nous voyons les choses chez Magic Mirror. A chaque étape évoquée, nous consultons nos auteurs, pour que le résultat leur plaise autant qu’à nous et pour qu’il soit le fruit d’une vraie collaboration, en leur épargnant tous les tracas liés à l’édition d’un livre. L’auteur a son savoir-faire qui est irremplaçable, mais nous mettons également le nôtre à son service.

« Le dragon, qui vit dans un monde de dragons depuis qu’il est tout petit, connaît mal la vie des chevaliers. Rassurez-le, parlez-lui, n’hésitez pas à lui raconter toutes les épreuves que vous avez dû surmonter pour arriver jusqu’à lui, tous les dangers que vous devez affronter pour survivre dans la forêt. Les dragons aiment les belles histoires, ne l’oubliez pas ». Ce paragraphe reçoit la palme du passage qui m’a le plus consternée. Nul besoin de vous expliquer, je crois. Je n’ai pas grandi dans le monde des dragons, loin de là.

Après avoir lu cette chose à plusieurs reprises, en étant de plus en plus énervée, j’ai fini par me poser la question « Mais pourquoi est-ce que ça te touche autant ma pauvre fille, tu ne fais pas partie des dragons mis en cause … ». Oui mais ça me dérange car on véhicule une image carnassière des éditeurs qui cherchent à se faire de l’argent sur le dos de vaillants auteurs (qui visiblement feraient mieux de se tourner vers l’autoédition) alors que tous ne sont pas comme ça. Je ne nie pas le fait que cela arrive. Mais il existe encore des éditeurs indépendants qui aiment profondément leur métier, qui ont conscience des problématiques financières de leurs auteurs, qui sont à l’écoute et cherchent à ce que tout le monde se sente bien et qui en ont marre de passer pour des profiteurs opportunistes. En tout cas moi, j’en ai un peu marre.

Mais je rebondis sur cette frustration pour me motiver encore plus à montrer que l’on peut être éditeur sans être forcément un dragon et que ce qui est décrit comme un combat dans ce document raté (financé par le ministère de la culture qui semble donner son argent sans se soucier de ce que l’on va en faire) peut s’avérer être une magnifique histoire de partage, d’amour et d’émerveillement.

Je ne veux pas être un dragon moi, je veux être une licorne.

[1] Je parle bien sûr des éditions à compte d’éditeur

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